Entraîné par Henri Crolla et Jacques Prévert, Yves Montand découvre Saint-Paul de Vence et l’auberge de la Colombe d’Or. Entre deux tours de chant, deux films ou deux livres, beaucoup d’artistes viennent goûter l’hospitalité de Paul et Titine Roux, les maîtres des lieux, qui les accueillent en amis plus qu’en clients. Jacques Prévert réside à deux pas, Picasso et Braque viennent en voisins. Au printemps 1949, Yves Montand est de passage à la Colombe d’Or car il doit chanter à Nice, ainsi qu’au mariage du prince Ali Khan avec Rita Hayworth.
Le 19 août, c’est la rencontre légendaire entre Simone Kaminker, Simone Signoret à l’écran et Montand. Simone, alors épouse du réalisateur Yves Allégret, dont elle a une fille, Catherine, possède depuis un an une maison à Saint-Paul et est, elle aussi, une habituée de la Colombe. « En quatre jours, écrira-t-elle dans La Nostalgie n’est plus ce qu’elle était, il s’était passé une chose fulgurante, indiscrète et irréversible. »
De retour à Paris, c’était intense, violent, c’était une joie, une fête, et puis à 7 heures, elle rentrait « à la maison », « chez elle », c’est-à-dire chez un autre. Peut-être cela aurait-il été viable un an ou deux. Je ne sais pas, je ne crois pas, c’était déjà insupportable. J’ai demandé à mon agent de m’organiser immédiatement une tournée. Il me propose Casablanca, Alger et Tunis. Va pour Casa, Alger et Tunis. A Simone, qui tergiverse, je dis que je pars pour une quinzaine de jours, que si elle ne s’est pas décidée lorsque je reviendrai, je romps définitivement. Elle pleure. J’en suis malade moi-même, je suis convaincu que notre histoire est fichue. (…) Ensuite, les choses ne traînent pas. Me voici de nouveau à Paris. Huit jours plus tard, Simone s’installe chez moi, rue de Longchamp. Yves Allégret accepte qu’elle emmène Catherine et qu’elle demande le divorce. Nous avons commencé à vivre ensemble. Pour la vie. Pour de vrai.
Montand triomphe à nouveau au Théâtre de l’Etoile en 1951. Ce show est une date clé car pour la première fois il est seul en scène pendant deux heures avec vingt-deux chansons et deux poèmes. Il ne reviendra plus au tour de chant traditionnel. Le 21 décembre 1951, Montand et Simone se marient à Saint-Paul de Vence. Jacques Prévert et Paul Roux sont leurs témoins.
En 1952, le couple s’installe Place Dauphine. Henri-Georges Clouzot offre à Montand son premier grand rôle au cinéma, avec le Salaire de la peur. Ce film obtient le Grand Prix du Festival de Cannes 1953 et Charles Vanel le Prix d’interprétation masculine.
En octobre 1953, prévu pour trois semaines, son nouveau one-man-show au théâtre de l’Etoile dépassera les deux cents représentations, du 5 octobre 1953 au 5 avril 1954. Six mois entiers, une recette brute de 118 millions de francs. Plus l’enregistrement live du spectacle, dont la pochette sera dessinée par Jean Effel. Plus un Disque d’or (un million d’exemplaires) pour Les feuilles mortes. Montand jugera ce récital comme le plus accompli de sa carrière.
En 1954, Montand qui, pour la première fois de sa vie, a gagné une réelle fortune, achète une propriété à Autheuil-Authouillet, en Normandie. Cette demeure devient très vite la maison des copains. François Perier, Françoise Arnoul, Roger Pigaut, Serge Reggiani, Pierre Mondy, Pierre Brasseur, Bernard Blier, José Artur ou Jacques Becker y viennent régulièrement.
N’essayez pas de me faire avouer que nous avions d’immenses querelles idéologiques. Avec Montand, j’ai essentiellement le souvenir d’avoir énormément ri, en ce temps-là. (Serge Reggiani)
Quelques mois plus tard, Montand et Signoret jouent au théâtre la pièce écrite par Arthur Miller Les Sorcières de Salem, largement inspirée de l’affaire Rosenberg. Adaptée par Marcel Aymé, présentée pour la première fois au Théâtre Sarah Bernhardt à Paris et mise en scène par Raymond Rouleau, elle remporte un tel succès que les représentations durent jusqu’à noël 1955.