Le 10 septembre 1959, Montand et Simone s’envolent pour New York. Quinze jours plus tard, il triomphe au Henry Miller’s Theatre, dans la 43e Rue, à Broadway. A la première, assistent entre autres, Montgomery Clift, Lauren Bacall, Paulette Godard, Sidney Lumet, Ingrid Bergman, Marlène Dietrich et Marilyn Monroe. Le « one man show » prévu pour trois semaines va en durer sept ! A Los Angeles, San Francisco et Montréal où il se produit, toutes les places sont louées d’avance. La presse américaine délire d’enthousiasme. Hollywood le reçoit à bras ouverts et la Twentieth Century Fox lui propose de tourner Let’s Make Love (Le Milliardaire) de George Cukor avec Marilyn Monroe. Le rêve devient réalité.
Au début de janvier 1960, Arthur Miller et son épouse viennent s’installer au Beverly Hills Hotel de Los Angeles. Le couple new-yorkais hérite de l’appartement n°21, symétrique de celui qu’occupent Yves et Simone. Les deux couples se lient d’amitié. En avril, Simone reçoit l’Oscar de la meilleure actrice pour un film anglais, Room at the Top (Les Chemins de la haute ville) de Jack Clayton. Une grève des techniciens a fait prendre deux mois de retard au film. Simone doit partir tourner à Rome et Arthur Miller rentrer à New York.
J’avais Marilyn pour moi tout seul et je ne le savais pas. (…) Un jour, elle est vraiment fatiguée, elle me prévient qu’elle sera hors d’état de répéter. Et moi, j’ai une scène délicate sur les bras. Je m’apprête à rentrer chez moi et à potasser de mon côté. Je croise Mme Strasberg, la duègne, qui me dit : « Allez donc dire bonsoir à Marilyn, vous lui ferez plaisir parce qu’elle est ennuyée de ne pas pouvoir travailler… » J’y vais. (…) Il me reste une demi-page à réviser pour le lendemain. Je lui fais le « kissing good night. » Et sa tête pivote, mes lèvres dérapent. C’est un baiser superbe, tendre. Je suis à moitié sonné, je bafouille, je me redresse, déjà envahi par la culpabilité, me demandant ce qu’il m’arrive. Le lendemain, les choses paraissent d’abord rentrées dans l’ordre. Nous travaillons. Mais c’est un incendie, un déchirement, je n’essaie même plus de calmer le jeu.
Juin tire à sa fin. Et la participation de Marilyn au film aussi. Elle repart pour New York tandis que Montand postsynchronise quelques scènes où sa diction est défaillante. Cette solitude favorise un examen de conscience.
Pas une seconde je n’ai envisagé de rompre avec ma femme, pas une seconde ; mais, si elle avait, elle, claqué la porte, j’aurais probablement fait ma vie avec Marilyn. (…) Par l’attitude qu’elle a choisie, Simone a empêché que la question se pose. De fait, elle ne l’a pas été.
En effet, pour contrer la presse à scandales, avec un formidable sursaut d’intelligence et d’orgueil, Simone Signoret déclara : Vous en connaissez beaucoup d’hommes, vous, qui resteraient insensibles en ayant Marilyn Monroe dans leurs bras ?
Montand enchaîne alors trois films américains : Sanctuaire de Tony Richardson avec Lee Remick et Bradford Dillman, Ma Geisha de Jack Cardiff, avec Shirley MacLaine et Edward J. Robinson et Aimez-vous Brahms ? d’Anatole Litvak avec Ingrid Bergman et Anthony Perkins.
A partir du 24 octobre 1961, il retourne se produire à Broadway au Golden Theatre, pour huit semaines, à guichet fermé. Durant le premier semestre 1962, une tournée l’emmène avec Simone au Japon, puis en Angleterre, avant de préparer sa rentrée parisienne pour novembre 1962. Montand est très certainement, à cette heure, l’homme de music-hall français le plus célèbre au monde.
Dans la nuit du 4 au 5 août 1962, Marilyn est retrouvée morte, chez elle. Montand ne fera pas de commentaire…
Le 9 octobre 1963, Edith Piaf disparaît. Le 22 novembre de cette même année, c’est l’attentat de Dallas et l’assassinat de Kennedy.